Dans le monde du whisky-branlette le blend est souvent considéré comme le parent pauvre du single malt. Le principal handicap des whiskies d'assemblage est d'être associés à des marques plus soucieuses de faire des bénéfices que de produire des alcools de qualité. Pourtant, dans son histoire comme dans son actualité, le whisky c'est aussi le blend. En terme de vente, c'est même surtout le blend, étant donné qu'il représente la majeure partie du marché. Snober les assemblages ce serait donc se mettre un peu en marge du monde que l'on entend décrire. Et ce serait une erreur car comme dirait Brice Hortefeux "y en a des bons".
C'est le cas des whiskys produits depuis 2000 par Compass Box. La légende raconte que John Glaser, le fondateur, aurait commencé les mélanges dans sa cuisine, animé par la volonté de créer des blend différents et originaux mais aussi de remettre au goût du jour une certaine tradition de l'assemblage – dont la noblesse se serait perdue dans les objectifs mercantiles des principaux producteurs. Bel engagement donc. Mais pour quel résultat ?
A l'origine de la gamme on trouve le blend Great King Street – du nom de la rue dans laquelle est sise l'entreprise – qui se décline en deux versions. Artist's Blend et Glasgow Blend. Le premier est plus frais et rappelle les whiskies irlandais, le deuxième plus rond et tourbé. La vivacité du Artist, que John Glaser présente comme une tentative de redonner vie aux blend du temps jadis est particulièrement agréable. Pour une quarantaine d'euros c'est vraiment un bon deal. L'astuce de Compass est de le vendre aussi en bouteilles de 50 cl à un tarif attractif. C'est malin. Son frère est plus rond. Ce qui le rend intéressant c'est son passage en fûts de sherry qui atténue la tourbe en lui donnant une richesse et une rondeur de digestif. Plus complexe mais moins direct que son frère. Le premier a ma préférence – vous avez le droit de vous en foutre.
Le reste de la gamme est assez vaste et sujet à évolution – small batch ipso facto. La part belle est donnée aux expérimentations, autant pour la recherche des meilleures associations que pour le vieillissement. L'accent est mis sur les whiskes sélectionnés et la volonté de proposer des assemblages qui aient un sens – cette phrase veut tout et ne rien dire. En clair, les whiskies annoncent la couleur et leurs noms résonnent comme des principes, jugez en plutôt pour ceux de la gamme Signature : The Spicy Tree, The Peat Monster ou encore Hedonism.
Pour la petite histoire, la première version de The Spicy Tree a fait l'objet d'une bataille juridique entre la Scotch Whisky Association et Compass Box au sujet de l'utilisation de fûts neuf composés de bois français. Cette pratique jugée illégale, le whisky a été frappé d'interdiction. Evidemment on s'est arraché les stocks et il est devenu depuis un peu légendaire. Finalement, de nouveaux fûts ont été créés et The Spicy Tree 2.0 reprend les caractéristiques de la première version. Un vatted à conseiller aux amateurs de Clynelish...
Quant au Peat Monster il fait bien entendu la part belle aux whiskies d'Islay. Ce dernier est d'ailleurs une belle réussite. Enfin, saluons donc la présence d'un whisky de grain, Hedonism qui n'est pas sponsorisé par David Beckham. Plus cher mais intéressant par sa complexité et une certaine transparence – dans le bon sens du terme. Facile à boire, rond mais vif, d'une complexité rare et sujet à variations. C'est beau et on se dit que dans ces tarifs – autour de 80 euros – on boit rarement des trucs aussi surprenants. Longtemps après on se souvient des arômes vanillés et très subtilement fumés de cet assemblage 100% grain. Ils sont marqués par la même volonté de proposer à des tarifs corrects des alcools originaux, qui ont une histoire et qu'il est agréable de boire entre amis – ou seul aussi bien entendu.
Au final, ces blend nous invitent à nous poser cette question quasi existentielle : que cherchons-nous dans le whisky ? C'est un peu comme les disques, à force de chasser la rareté, des fois on écoute n'importe quoi et on se dit que c'est bien parce qu'il n'y a que trois copies dans le monde. On peut facilement verser dans le même délire mental avec le whisky. Or il faut pas trop abuser car à la fin on en vient à se demander : "vivre, oui, mais pourquoi ?" Et à cette question, une partie de football entre amis – sic –, une bouteille de whisky à boire tranquillement sans se demander si c'est mal ou pas de décapsuler un truc à 500 euros, sont des réponses convaincantes. En gros, et pour finir, si Epictète en avait eu l'occasion il aurait certainement vidé quelques bouteilles de blend bien faits, comme ceux de Compass Box.
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