Quand on demande à un amateur français de whisky de nous citer ses distilleries préférées, Jura ne ressort jamais. En France c’est d’ailleurs une distillerie que l’on aime détester. On lui reproche ses méthodes marketing outrancières, son packaging discutable et les noms capillotractés des embouteillages officiels. Du coup, personne ne parle jamais de Jura en France et les rares fois où son nom est évoqué c’est pour dire du mal de sa politique commerciale. Ces reproches sont parfois également faits à Ardbeg mais dans ce cas, tout le monde s’accorde sur la qualité du jus de la distillerie d’Islay. Pour Jura c’est le black out total, on ne mentionne jamais son whisky et on se contente de regarder tout ça dans un silence méprisant limite hautain.
Pourtant, Jura est le troisième single malt le plus vendu du Royaume-Uni et des amateurs français vont même jusqu’à dire que les versions millésimées des années 70 et 80 sont excellentes. Alors pourquoi tant de haine ? Encore une fois on peut penser que la politique commerciale agressive de la marque rebute les amateurs éclairés. En gros, le geek du whisky n’aime pas trop qu’on lui raconte des histoires, il préfère se concentrer sur le jus et moins la distillerie en fait en terme de communication, plus elle est respectable à ses yeux (à tort ou à raison). En ce qui nous concerne on avait été particulièrement chagriné par l’utilisation du nom de Georges Orwell pour le lancement du millésime 1984. Alors certes Orwell a écrit son roman phare sur l’île mais le bonhomme n’était pas réputé pour défendre des valeurs libérales. Il doit se retourner dans sa tombe à l’idée qu’une marque utilise son nom à des fins commerciales alors qu’il a passé de nombreuses années à vivre dans la misère absolue. Bref, ce coup marketing était particulièrement malvenu.
La démarche de Jura n’est pourtant pas dénuée d’intérêt mais elle s’adresse plutôt à un public de novice. Sur chaque boite, la marque accole une roue des saveurs qui permet de se faire une idée de la typicité de chaque version. La roue se divise en quatre parties : tourbé (Superstition, Prophecy), léger et délicat (Origin 10 ans), fruité et épicé (Elixir 12 ans), et riche et intense (Diurachs’ own 16 ans). Si ce genre de mention peut servir au consommateur du dimanche, elle a le don d’agacer le geek.
On a essayé de mettre de cotés nos préjugés et on a profité de la sortie de l’édition limitée « Tastival 2015 » pour goûter la gamme en se concentrant sur le jus et seulement le jus.
Jura Elixir 12 ans (46°) 57€
Le nez est super engageant, sur des notes de fruits verts légèrement épicés, c’est plutôt une bonne surprise. On sent l’influence du sherry (c’est un assemblage 50% bourbon, 50% sherry) et ce n’est pas pour nous déplaire. En bouche c’est très épicé après une attaque plutôt douce. La finale est assez courte mais dans l’ensemble c’est un très bon whisky, bien fait et élégant. Le tarif est convenable pour un whisky de ce type.
Jura Superstition (43°) 49€
Un whisky sans mention d’age, composé de 13% de malt tourbé. Les jeunes malts sont les plus tourbés et les vieux sont plus classiques. Le nez est légèrement tourbé, ça sent la jeunesse et on y trouve des notes de bruyères. La bouche est très douce et manque de complexité. L’intérêt est limité pour les amateurs confirmés. On sent ici une volonté de rendre la tourbe accessible aux novices mais pour 49€ on peut trouver bien mieux.
Jura Diurachs’ own 16 ans (40°) 67€
On l’avait déjà gouté et on n’avait pas été emballé, la deuxième dégustation confirme notre avis. Bof bof….
Jura Prophecy (46°) 77€
C’est la version franchement tourbée (50 ppm) de la distillerie. Le nez est très marqué par la tourbe, goudron et réglisse y font bon ménage. La bouche est à la hauteur du nez et l’ensemble ne manque pas de gueule, c’est toujours légèrment épicé mais on y trouve également des notes iodées. C’est très bon et ça n’a rien à envier aux embouteillages officiels d’Islay mais le prix est un peu exagéré, dommage….
Jura Tastival 2015 18 ans (52°) 119€
A l’instar des distilleries voisines d’Islay, Jura propose un embouteillage limité à l’occasion du festival du whisky de l’île : le Tastival. Cette année, le jus est servi à 52° et il a fini son vieillissement en fut de crémant de Loire. Le nez est très agréable et se rapproche de celui du 16 ans mais en plus complexe, on y trouve des notes de pommes rouges et une ambiance de prairie verte. En bouche c’est assez riche et intense et la consistance est huileuse. On y trouve des notes de chocolat noir et des épices légères. C’est bien mais pas fou….Quand on compare cela avec les éditions limitées du Feis Ile d’Islay on se dit que ça manque du gueule et puis le prix est un peu déconnant.
Dans l’ensemble, les discours haineux à propose de Jura sont excessifs. Alors certes c'est pas vraiment notre tasse de thé mais de là à dire que tout est mauvais il y a un pas que nous ne franchirons pas. Si le 16 ans ne nous a clairement pas emballé, le 12 ans Elixir est tout à fait recommandable et le Prophecy le serait également s’il coutait moins cher.
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