Une exégèse populaire de l’œuvre de Schopenhauer dit que le drame de l'homme moderne consiste en une oscillation entre l'espoir d'atteindre un but et la déception d'y parvenir. A mesure que se raréfient les stocks de Caroni – et que s'éloignent les jours bénis où l'on trouvait du 12 ans au Leclerc du coin – l’œuvre du philosophe Allemand retrouve une actualité. En réifiant le désir de rareté et en réinventant les tickets de rationnement, Velier nous offre un dernier frisson avant la dépression.
"08-04-2016 One of the last details". L'étiquette sans ambages !
Soulignant une illustration "à la Rothko", la mention ne fait pas de mystères. Les fûts sont vides, les embouteillages sont en voie d'extinction. RIP. C'est ce qui explique qu'il faille montrer patte blanche (et carte bleue aussi) pour avoir le droit de chopper une bouteille. Plus difficile à trouver qu'un kilo de patates sous l'occupation, les bouteilles de Caroni se retrouvent sur le Net plus rapidement qu'une sextape de footballeur. Jonathan Franzen avait raison "le libre échange engendre la compétition". Mais s'il faut se battre pour avoir une bouteille, la moindre des politesses c'est encore de la boire. La question devient alors quasiment ontologique : le jeu en vaut-il la chandelle ? Merci Luca Gargano !
Oeil : Ambre dorée
Nez : On est à la maison. Agrumes (zeste de citron), cigare, cendrier, tabac frais et hydrocarbures. La station service du Paradis, un nez qui donne envie d'être pompiste. Des fruits exotiques, un peu d'iode. Huîtres. Sucre léger. Banane. Puis cuir et sol bien ciré. Quand les abeilles auront disparu on se servira du Caroni pour expliquer aux enfants ce qu'était le miel. Avec quelques gouttes d'eau, un air de crème pâtissière - un peu rance. Fruits murs.
Palais : Grosse entame, chocolat, oranges amères, Sarments du Médoc et pas mal de bois. Le goudron et le caractère. Pas hyper complexe, mais des notes directes et délicates. Un peu de menthol. Des herbes coupées. Avec de l'eau c'est moins direct, plus sur le gâteau, (Oreos un peu vieux). Ça sent la campagne et les ballots qui traînent dans les près (rhum des foins ?). Riche quand même !
Finale : Moyennement longue – moins peut-être que le 17 ans de 1996 qu'on avait gouté jadis ou le 18 ans de 1994 sur lesquels on se paluche encore. L'alcool se rappelle en un retour pas désagréable. Menthol, goudron, essence et chocolat. On est bien.
Note : AA- (Die Welt als Wille und Vorstellung)
Prix : 155 euros pendant quelques heures, beaucoup plus à partir de maintenant.
Conclusion : Excellent. On se dit que ce n'est peut-être pas le plus phénoménal des Caroni – il faudrait faire une verticale – mais qu'importe. C'est un petit morceau d'éternité, chaque gorgée nous tire la larme. Comme à chaque fois on se dit qu'on ne devrait boire que ce genre de trucs. Le rhum comme volonté.
Bel article même si il donne plutôt envie de chercher un 1996-2013 ou un 1994-2012 que celui-ci! D’ailleurs vous avez une préférence entre ces deux là?
Merci! A choisir on prendrait le 1996-2013 en high proof et le 1994-2012 en full proof. Le 1996-2013 est l’un des meilleurs high proof de chez Velier, pour le full proof si on devait choisir on prendrait un 1992 avec le hangar. Bon courage pour trouver ça à un prix correct cela dit !
Merci pour ces recommandations!