Alors que sort sur les écrans le vingt-quatrième volet des aventures de James Bond, réalisé par Sam Mendes et interprété – certainement pour la dernière fois - par Daniel Craig , il est peut-être opportun de passer le film à la critique de ce qu'on y boit. C'est en effet une des constantes de la saga – à croire que le cahier des charges légué par Ian Fleming contient un codicille éthylique. Si au fil des ans et du glissement hygiéniste d'Hollywood, 007 a arrêté de fumer et attache sa ceinture quand il conduit, il a continué à boire. L'arrivée de Daniel Craig a même forcé le trait. On peut du coup se poser cette question, Spectre est-il un bon cru ?
1- Un bond Proustien
Quasiment muséifée par ses propriétaires pour survivre à sa ringardisation, la saga s'est réinventée en jouant avec les codes de son propre mythe. C'est parfois un peu lourd mais souvent assez efficace – pour peu que le réalisateur se donne du mal. Comme dans Spectre où Sam Mendes lutte entre tradition et modernité. Il place Bond au coeur de ce combat avec pour guide une certaine Madeleine Swann. Pour les fans Français de la série, c'est aussi puissant que la Marseillaise à Wembley, James Bond, qui risque de perdre la mémoire à cause d'un méchant Allemand, sauvé par Madeleine Swann. L'intrusion d'une private joke proustienne dans le film vaut à elle seule une mention positive à l'épisode. D'autant que c'est peut-être la clé de tout le film.
En effet, Bond est en prise avec la disparition de son monde et vit dans le souvenir de ce qu'était son propre Être. Parti à la recherche de son histoire, il assiste impuissant à la disparition du MI6, au remplacement du renseignement de terrain par le data-espionnage et à l'effondrement littéral du bâtiment lui-même – le vaisseau amiral de l'espionnage à papa finit dans la Tamise comme les mondes engloutis. Bref, il est mal. C'est tout juste s'il ne confesse pas se coucher de bonne heure.
2- James Bond est-il alcoolique ?
Il confesse par contre boire trop d'alcool. Quand survient l'examen médical au cours duquel il renseigne par "excessive" la case correspondant à sa consommation, on craint le pire. On imagine déjà James quittant le programme 00 pour rejoindre celui beaucoup moins chic des AA. James Bond AA7, c'est quand même moins cool. Heureusement, les héros ont ceci de particulier qu'ils sont là où on les attend – sinon ce ne sont pas des héros (#RichardGasquet). On est ainsi rassuré quand au bar de la clinique, alors qu'il sort de l'entretien avec le Docteur Swann et que le barman lui annonce que l'établissement ne sert pas d'alcool, mais qu'il y a par contre des cocktails "santé", James lui dit de le verser directement dans les chiottes, arguant que c'est là qu'il finirait de toute façon.
On retrouve alors notre agent à la hauteur de sa légende et pour excessive qu'elle soit, sa consommation d'alcool finit par lui sauver la vie.
3- Sauvé par un shaker
Le tournant du film se situe en effet dans un moment où les mentions et hommages se succèdent. Une belle scène de train, qui rappelle le merveilleux Bons baisers de Russie – dans lequel Sean Connery démasquait son ennemi grâce à du vin rouge commandé pour accompagner le poisson – mais aussi le plus dispensable Moonraker où Roger Moore était poursuivi par un homme aux dents d'aciers – mais pas Joey Starr. Art du syncrétisme, Daniel Craig est donc poursuivi par un homme en acier, dans un train.
Il a donné son smoking blanc à repasser, Madeleine a eu le temps de se faire un petit brushing, l'heure est à la détente, un cocktail dans la douce lumière et les stores de bois de la voiture restaurant. Évolution des moeurs oblige, c'est Madame qui commande et – surprise ! – une vodka martini.
Avec la diligence des meilleurs bartender, le serveur revient quelques minutes après avec un plateau sur lequel deux verres parfaitement préparés encadrent un shaker. On se dit alors : "mais quelle délicatesse ce Sam Mendes, il n'a pas voulu en rajouter". Et c'est vrai que Madeleine n'avait pas précisé qu'elle ne voulait pas les cocktails à la cuillère. Tout en discrétion donc, le réalisateur rappelle aux amateurs qu'il n'oublie pas les classiques. Mais cela aurait été finalement un peu vain si le shaker étincelant n'avait pas reflèté tout à coup la silhouette épaisse du tueur mandaté par le Spectre ! Alerté par son reflet, James a le temps de se retourner – mais pas de boire son cocktail.
4- Et le whisky alors ?
On avait laissé James buvant ostensiblement du Macallan 18 avec Javier Bardem dans Skyfall. Nous caressions le secret espoir de le voir revenir à des single malt un peu plus chics. Malheureusement, il persiste. Le Macallan 18 ce n'est pas horrible non plus, tout le monde est d'accord, et pour boire devant la télé c'est même assez luxe, mais bon, il y a un côté "whisky de grand hôtel" qui ne nous permet pas de ranger James dans le club des amateurs éclairés. A 200 balles la bouteille, il aurait pu trouver mieux. – Notons qu'un Craigellachie eut été une bonne blague, plus en rapport avec le délire proustien de Sam Mendes.
Il faut aussi reconnaître que James a traversé des phases plus sombres, comme cette époque où la CIA avait tellement noyauté le MI6 que des soupçons en duplicité pesaient sur 007.
En fait, et pour être honnête, il semble que l'on ne puisse pas toujours mesurer la qualité d'une oeuvre à l'aune du whisky qu'on y boit. Preuve s'il en fallait, Pierce Brosnan buvait du Talisker dans Le monde ne suffit pas. Le bon whisky ne protège de rien.
Au final, Spectre est un bon cru que nous ne saurions trop vous conseiller de consommer sans modération – contrairement à la vodka-martini dont nous vous livrons la recette et qui, nous vous le rappelons, n'est qu'un twist du Dry Martini :
- 5 cl de Vodka
- 2 cl de Vermouth sec
- un trait de bitter orange (optionnel)
- deux olives en garniture
Évidemment vous secouez – cela peut vous sauver la vie – vous filtrez et vous versez ensuite dans un verre à Martini que vous aurez préalablement refroidi avec des glaçons.
Il ne reste plus qu’à trouver un verre qui pourra contenir les 70cl de la recette… 😉
Certainement une cyber attaque du Spectre ! Erreur corrigée. Merci