Nic Pizzolatto

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Nic Pizzolatto, la nouvelle voix du roman noir !

Nic Pizzolato est le scénariste de True detective. Galveston est son premier roman. Pour les amateurs, pas besoin d’en rajouter, c’est l’expédient idéal pour un sevrage. Mais attention. Tous les éléments les plus addictifs de la série sont présents dans le roman, magnifiés par la prose sans lyrisme de Nic Pizzolatto et la puissance des personnages qu’il y développe. En effet, à côté de Roy Cady, de ses deux packs de Lone Star le matin, Rustin passerait presque pour un mangeur de kale qui irait bruncher en fixie à Williamsburg. Comme dans la série, on l’aura compris, l’alcool joue un rôle important, sinon central, en ce qu’il définit les personnages. On peut explorer la structure du roman – et la longue descente aux enfers de Roy Cady – en suivant l’évolution du rapport qu’entretient le protagoniste au whisky. Alors en avant pour la première éthylo-diégèse de l’histoire de la littérature !

true detective

On retrouve dans Galveston, tout ce qui fait le charme de True detective

New Orleans 1987. (Ca vous rappelle quelque chose ?) Roy Cadi vient d’apprendre que ses poumons ne passeront pas l’hiver et que son patron n’est pas l’employeur digne de confiance qu’il imaginait. Certes, le domaine dans lequel exerce Roy Cady n’est pas le mieux protégé par les accords de branche, mais il s’attendait certainement à plus de reconnaissance. C’est donc passablement déprimé qu’il entre dans le premier bar du roman où il décide de s’offrir un verre de Blue Label. Dans la mythologie américaine, le Johnnie Walker Blue Label représente le whisky de luxe. Réputation largement usurpée sur le plan gustatif mais justifiée par le prix du liquide. Mais l’occasion fait le larron : « Puis, me souvenant que j’étais mourant, j’ai changé ma commande pour un Johnnie Walker Blue. ». On pourrait croire que Nic Pizzolatto ne s’y connaît pas, qu’il a placé dans les mains de son personnage un whisky apte à marquer esprits. Mais non, car Roy entre dans les bars pour se saouler, par pour picoler quelques gouttes d’une tisane hors de prix en levant les sourcils. C’est confirmé un peu plus loin : « J’ai regardé les bouteilles et je me suis souvenu du mon cancer. « Un Johnnie Walker Blue. Double ». Ce verre m’a coûté quarante dollars ».L’auteur s’offre même le luxe d’un commentaire de dégustation : « Chaud et moelleux, il m’a coulé dans la gorge, et quand il a répandu sa chaleur dans ma poitrine, il lui a donné une sensation de vie. » Un peu plus loin, le whisky sera qualifié de « superbe » par le narrateur. Le personnage se compose. Le récit n’a pas débuté depuis vingt-cinq pages que trois verres y sont déjà passés.

Mais les ennuis s’accumulent pour notre héros qui est obligé de changer de nom et de quitter la Louisiane pour le Texas. Là, les amateurs auront la larme à l’œil de le voir prendre le patronyme de Robicheaux. Va-t-il aussi arrêter de boire ? Non, mais il s’abandonne à partir de là à des whiskies que tétait dans le Vieux Carré le héros de James Lee Burke. « J’ai commandé une bouteille de Budweiser et un petit verre de Johnnie Walker. » On baisse en gamme mais la guerre commence, il faut revenir aux sources. Cady/Robicheaux ne cache plus ses objectifs : « Me saouler à mort au Mexique me paraissait aussi assez attirant ». Il continue donc sur sa lancée et passe au Jameson car à partir de là, il ne recherche plus que « Du courage liquide, de la logique à l’alcool. »

Nous sommes à la moitié du roman,  le whisky joue maintenant un rôle dans la résolution des intrigues car le narrateur est constamment en état d’ébriété. Le Jameson laisse ensuite la place au JB’s pour qu'enfin, à mesure que tout se décompose, le narrateur achète « une pinte de Jim Beam, un whisky horrible ». Preuve s’il en fallait qu'il a décidé de se détriure.

La vie est alors résumée en un éclair magnifique : « Tu nais et quarante ans plus tard tu sors d’un bar en boitillant. ».

Il y aurait encore des tas de choses à dire à propos de ce livre, où l’alcool occupe – comme dans la série – une place de personnage. (Qui ne se souvient pas de Matthew McConaughey exprimant ses visions en découpant au couteau des canettes de Lone Star ?  Roy Cady peuple sa solitude des mêmes marionnettes. Et quand il invite pour la première fois un être humain dans la caravane où il vit seul, il est un peu gêné du spectacle qu’offre son petit théâtre de canettes :  «  C’était bien une armée parce que je m’étais servi d’un couteau pour découper de petits rubans dans le flanc des boites et les plier vers le bas comme des bras, puis j’avais soulevé le haut pour donner l’apparence de têtes ».)

Mais le mieux reste encore de lire Galveston en suivant les conseils de Roy Cady : « L’habitude de lire que j’ai prise au cours des vingt dernières années ne m’a pas rendu différent. C’a été simplement la meilleure manière que j’ai trouvée de passer le temps puisque je ne pouvais pas boire. »

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