La qualité d’un whisky tient souvent a son pouvoir de suggestion qui, au delà des notes de dégustation, peut évoquer nombre de souvenirs et laisse parfois l’amateur patient se perdre en songes et voyages imaginaires. Dés la première gorgée, sans détour aucun, mon esprit a associé ce merveilleux Karuizawa au chef d’œuvre de Shohei Imamura, Profond Désir des Dieux, un film terrien et charnel ou le labeur quotidien des hommes et femmes d'Okinawa médiévale est filmé de la façon la plus crue pour donner un cinéma organique rappelant une sorte de chaos originel.
La distillerie Karuizawa ne se trouve pas sur l’Ile méridionale du Japon, mais dans les Alpes Japonaises, à une encablure de Nagano. Fondée en 1956, elle fut construite près d’anciens vignobles sur les flancs du Mont Asama (dont était tirée l’eau servant pour le whisky), le volcan le plus actif de l’ile d’ Honshu. Le malt « Golden Promise » utilisé par la distillerie était importé de Berwick-upon-Tweed en Ecosse et la maturation de la majeure partie de son whisky se faisait en futs de Xeres. Elle fut active jusqu’en 2001 et en 2006 son propriétaire, la compagnie Mercian, fut racheté par Kirin, l’un des géants de la boisson alcoolisée au Japon. La suite tient du cauchemar pour tout amateur de single malt : Kirin refusa de vendre la distillerie a des investisseurs étrangers voulant reprendre la production pour finalement se délester du terrain au profit de promoteur immobiliers (Karuizawa est un lieu de villégiature courru des Tokyoïtes ou l’empereur a une résidence d’été). En 2011, peu avant cet épisode tragique, un embouteilleur anglais, Number One Drinks, qui distribue également les single malts Hanyu et Chichibu, se porta acquéreur des futs entreposés dans les hangars de la distillerie. Dans un excellent post de blog, la boutique The Whisky Exchange, dont un employé a pu visiter le hangar dans lequel les précieuses barriques sont entreposées, estime entre 200 et 250 le nombre de futs restants.
Link : blog.thewhiskyexchange.com/2013/04/twe-karuizawa-whisky-trip-pt-7-endgame/
La victoire d’un Single Cask de 1981 aux Malt-Maniacs Awards en 2007 constitua une véritable révélation et Karuizawa fut rapidement élevée au rang des distilleries fermées cultes au même titre que Brora et Port Ellen. Le statut de ce whisky fabuleux (aux deux sens du terme) a été renforcé par l’habile politique commerciale de Number One qui a choisi d’embouteiller des millésimes en futs uniques plutôt que d’en faire des assemblages, s’attirant ainsi les faveurs des amateurs de Single Malts les plus pointilleux. La plupart des spécialistes s’accordent à dire que l’expression la plus remarquable commercialisée à ce jour est un millésime 1967 de 42 ans d’âge qui se négocie aujourd’hui autour de 2500 euros...
Link : www.whiskynotes.be/2010/japan-whisky/karuizawa-1967-cask-6426/
L’amenuisement rapide des stocks fait de chaque embouteillage d’un nouveau fut un petit évènement et qu’il convient de ne pas trop se poser de questions lorsqu’il s’agit de passer commande… Nous goutons aujourd’hui un Karuizawa 30 ans d’âge, millésime 1981 (fut #162) qui fut embouteillé en fin d’année dernière pour la maison du whisky et fait partie de la série « Cocktails ».
Nez : Particulièrement fruité. Fumée légère qui tend plus sur les poisson fumés que la tourbe classique d’Islay au premier abord puis des senteurs sucrées rappelant les meilleurs bourbons tels George Stagg ou Van Winkle 23. Cacao, bois et fruits tropicaux, cerises et cuir, tabac blond : l’influence du bois est déjà remarquable, on a affaire a un whisky mur.
Gout : On commence par de la réglisse en bâton enveloppée par une légère fumée : l’équilibre entre la tourbe et le bois est merveilleux. Graines de tournesol : pipas et réglisse dans un single cask, j’exulte. On retrouve le gout de cacao suggéré par le nez, un peu de sucre de canne et de miel avant le retour de ces senteur rugueuses : cuir, bois, tabac, l’iode fait son entrée, c’est un whisky de terroir et Hokkaido se rappelle ainsi a notre bon souvenir. Le finish est interminable et a vrai dire on souhaiterait qu’il ne s’arrête jamais. Retour de la tourbe et de la réglisse après une éternité, l’équilibre sucré-salé entre le fut de Xeres et la nature brutale du nectar est merveilleux. Olives noires sur l’extrême fin qui sortent un peu de nulle part… Chef-d’oeuvre !
Du film d’Imamura la critique anglaise Eleanor McKeown disait qu’il était tourné « dans une palette de couleur pêche, marrons, turquoises, d’oranges brulées et de verts tropicaux d’un autre monde et que le nature du Japon fournissait une toile de fond extraordinaire a ce somptueux drame épique ». Cette conclusion pourrait s’appliquer mot pour mot a ce whisky unique qui, mieux qu’aucun autre, évoque la rencontre entre une nature crue et brutale et une civilité raffinée qui fait l’originalité la culture japonaise.
Comme les grands vins, les whiskies d’exception ont un prix et ce Karuizawa, qui ferait presque passer le Talisker 25 ans que nous testions il y a quelques semaines pour un vulgaire Johnnie Walker Blue label, était disponible il y a quelques mois encore pour environ 300 euros la bouteille. Aujourd’hui il vous en coutera au moins 600 euros sur les sites de vente aux enchères, ce qui nous fait dire que le whisky aussi peut être un meilleur investissement que les appartements en Floride ou les actions Facebook…
Il existe également une version plus abordable appelée Asama (du nom du volcan) qui est issue de l’assemblage de 77 futs de Karuizawa de 1999 et 2000. Pour environ 60 euros il serait dommage de s’en priver !
Note : AAA (Notre Premier John D. Rockefeller !)
Prix : Baron du Pétrole ( + 300 euros)
B.M
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