Il est tard. La journée était moite et moisie. J’ai les yeux qui piquent. Je sens le pic-vert qui sommeille dans ma cafetière prêt à se réveiller en me pulvérisant les neurones.
L'automédication est ma seule chance de survie. Je me précipite vers le sombre recoin de mon foyer que j’ai dévolu à l'accueil de mes boutanches. Mon dos est moite, mes mains sèches tremblent en ouvrant le dernier sésame qui me sépare de l'épiphanie. Les reflets dorées des fioles m’éblouissent mais tel un bas de plafond un jour d'éclipse, j’affronte la lumière brulante du malt. Le salut est imminent mais quel est ce doute qui m’étreint?
Sur quel goulot ma pogne avide doit elle refermer son piège? Ce speyside qui m’apporte un réconfort facile? Celui que je bois sans y penser, qui ne me déçoit jamais sans me surprendre? Il fera son office sans surprise mais avec délicatesse. Non, il me faut un remède plus corsé? La situation ne nécessite-t-e lle pas un spiritueux d'une autre trempe, plus à même de me sortir de ce spleen rampant? Il y a bien cet islay, qui m’a tant coûté que j’ai renoncé à changer mes souliers troués, à la puissance sans égale devant laquelle chaque papille s'extasie. Si complexe qu'il battrait Kasparov même avec un glaçon. Mais suis-je en état de l'apprécier. Ne sera ce pas du gâchis? Ma bouche étourdie par le mauvais café et les donuts sera t elle à la hauteur du challenge?
Rien à cirer, où sont les verres de circonstances? Sacrebleu! Tous au lave-vaisselle. Je viens de lancer le programme. Damned! J’envisage les mugs pour me raviser dans la foulée. Comment s'arrête cette saloperie de machine? Le voisin me dépannera. Non trop ridicule. Au goulot?
Et merde. J’ouvre une Heineken.
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