Ca y est ! La Première Coupe du Monde du whisky de base est officiellement ouverte. Les six premiers concurrents à entrer en lice nous arrivent des Highlands, les "Hautes Terres" du Nord et de l'Ouest. C'est un des cinq terroirs du whisky – mais les plus avertis noteront que le Speyside est "géographiquement" dans les Highlands. Alors bon... On peut bien ajouter pour des raisons uniquement sportives le Auchentoshan 12, bien que la distillerie soit sise dans les Lowlands. Après tout, la géographie ça sert d'abord à faire la guerre.
Un dernier regard vers la bouteille de Port Ellen et les trois membres du jury entrent dans le tunnel.
Sur le terrain les attendent six verres que rien ne distingue sinon le numéro de maillot. L'ambiance est solennelle. On perçoit une note d'inquiétude chez les juges.
Présentation des candidats
Six candidats, une seule place en finale. La sélection a été faite avec le soucis de constituer un panel le plus représentatif possible des Highlanders (#ChristopheLambert)
A gauche du terrain, Glenmorangie (OB 10 ans, 40%), dix millions de bouteilles par an pour la distillerie du Nord des Highlands propriété de LVMH et une présence quasi systématique en tête de gondole des grandes surfaces et des club house des golfs du monde entier. Du lourd. A sa droite, Auchentoshan ( OB 12 ans, 40%), l'invité par wild card. Triplement distillé près de Glasgow et vieilli en bourbon et Xérès. Encore à droite, An Cnoc (OB 12 ans, 40%). Pas la plus connue des distilleries mais attention, un classique moderne apprécié des spécialistes. Outsider en puissance. Son voisin n'est pas non plus un habitué des paillettes mais Glengoyne (OB, 10 ans 40%), distillerie frontière entre Highlands et Lowlands a du savoir-faire. Son single malt peut créer la surprise. Enfin, deux candidats bien connus des alpinistes et des voyageurs. D'abord Ben Nevis (OB 10 ans, 46%), la distillerie sise au pied de l'Everest écossais. Elle produit peu de versions officielles mais bénéficie d'une côte enviable chez les indépendants. Ce 10 ans est l'expression de base. Pour finir, seul représentant des Classic Malts de Diageo, et aîné du groupe, Oban (OB 14 ans, 43%). Whisky éponyme de cette charmante ville côtière en face de l'île de Mull, c'est un malt au curriculum sérieux qui peut se targuer d'avoir beaucoup de supporters fidèles.
La compétition peut commencer.
Glengoyne 10 ans
Ca commence fort avec le Glengoyne duquel s'échappe une désagréable odeur de vodka et d'éponge. C'est extrêmement alcooleux et cela sent le savon de Marseille fabriqué en Chine. Fruits verts typiques. Ensuite des arômes certes, de caramel, de vanille et de toffees moisis mais c'est dur, la mauvaise odeur persiste comme pour assumer sa connerie. On pense à Frédéric Lefebvre. Abominable.
Tout le monde est très inquiet à l'idée de tremper les lèvres dans ce Glengoyne. On regarde le paysage, on laisse ses yeux s'égarer dans l'horizon dans le cas où l'ingestion de cet alcool serait fatale à notre acuité oculaire. Mais il faut y aller. On avait raison de se méfier, c'est infâme. Ca pique, l'alcool est très mal intégré. On cligne des yeux pour vérifier que l'on y voit encore. Un petit goût de cerise mais comme dans un de ces horribles Kirsch allemands. Caramel industriel, un petit goût de E150 (#JeanDonnay). Un des juges s'éloigne : "moi j'en reveux pas".
Auchentoshan 12 ans
Auchentoshan pue un peu moins mais du coup est très discret. On sent du miel de fleurs, un peu de caramel. Cuir de godasses. Mais vraiment éteint dans l'ensemble, légère fumée. Épices. Bof. L'alcool est mieux intégré que dans le Glengoyne mais il n'y pas grand chose. Un peu plus riche ensuite. Bois fougueux, bananes séchées. On note une belle astringence. Mais ça brûle quand même les tuyaux. Utile si l'on veut connaître le tracé de son œsophage. Comme une impression de tourbe à la fin. Sèche et minérale
Ben Nevis 10 ans
Ben Nevis est un jeune bourbon ! Aucun doute. Effluves de pommes vertes. Pain d'épices, jus multivitaminé avec du lait (genre Danao). Il sent quasiment le vieux pneu. Caoutchouc et amidon. Peut-être le plus mauvais pour l'instant. Il a le goût de l'odeur. Atroce. Un juge s'exclame "ça pue bordel, non mais vraiment, ça pue". Ca râpe aussi beaucoup. C'est droit comme la justice. Pas de retour mais plutôt un renvoi, eau de pâtes, jus d'amidon. Gnôle.
Ancnoc 12 ans
On respire un peu avec Ancnoc, des arômes de miel cristallisé, de fruits confits. Enfin du whisky bordel ! Très terreux. Agréable même s'il manque un peu de définition. Il attaque aussi sur l'éponge. Mais le bois arrive et l'alcool est bien intégré. C'est mieux fait. Vanille, miel et fruits. C'est le seul pour l'instant qui ne nous fait pas craindre de voir nos dents tomber. Le meilleur du lot (land).
Oban 14 ans
Oban nous plonge dans les souvenirs d'enfance avec une odeur typique de ces poires dures et froides qu'on nous servait à la cantine et contre lesquelles nous nous battions jadis avec des couteaux ronds. Pas grand chose de plus, paillettes de savon, coques de pistache et fruits verts. Après l’Ancnoc, c’est un gros retour à l’ordinaire en bouche. Savon de marseille, qui reste sur les dents comme si on avait croqué dedans. Finale douceâtre. Sucré et lacté.
Glenmorangie 10 ans
Glenmorangie joue dans le même registre qu’Oban mais en mieux. Encore du savon mais présence accentuée des fruits. Bref, il nous offre de finir sur une note correcte – merci à lui. Extrêmement doux, comme du sirop. Le palais rattrape le nez. C'est bien mieux. Vanille, miel. Crème pâtissière. Cannelle de gâteaux de Noël. Du whisky, quoi.
Les résultats
A l'unanimité c'est donc Ancnoc (30 points) qui remporte le groupe. Glenmorangie et Auchentoshan (21 points) finissent ex-aequo. Oban (0 point), Glengoyne (0 point) et Ben Nevis (0 point) se partagent le titre de "whisky le plus dégueu".
Beaucoup de surprises donc et un enseignement. La dégustation à l'aveugle est un sport difficile qui exige un engagement total. Certains whiskies étaient vraiment horribles, on en est venus – presque – à comprendre les gens qui n'aiment pas ça.
Revivez la cérémonie d'ouverture ici.
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