Savanna Lontan blanc et HERR pour LMDW

Avec son rhum grand arôme produit à partir de fermentation longue, la distillerie réunionnaise Savanna est entrée dans la cour des très grands. On goûte aujourd’hui le Lontan blanc embouteillé pour La Maison du Whisky (LMDW) et le HERR également pour LMDW, deux ovnis qui placent Savanna au centre du petit monde du rhum. Attention gros matos !

Dans l'esprit de l'amateur de rhum, la Réunion est trop souvent réduite à la distillerie Charrette, ce tord boyau qu'on s'envoyait en ti-punch lors de nos soirées de débauche. Pourtant l'île de l'océan Indien abrite également l'une des distilleries les plus intéressantes de la planète. Savanna produit différents types de rhums, un traditionnel à base de mélasse, un agricole à base de jus de canne (vesou) et un grand arôme à base de mélasse issu de fermentation longue. On s'intéresse aujourd'hui aux grands arômes, il s'agit de la gamme la plus recherchée de la distillerie même si le reste de la production n'a rien de déshonorant. Ce type de rhum à fermentation longue est ultra aromatique (d'où son nom) car les taux d'éléments non-alcool y sont très importants avec un minimum de 800g / hectolitre d'alcool pur (HLPA). Parallèlement à sa gamme grand arôme, Savanna a sorti HERR (High Ester Rum Réunion) un grand arôme poussé à l’extrême dans le style de certains jamaïcains dont on est friand.

Savanna Lontan 57% (embouteillage spécial 60 ans LMDW)

On attaque avec le Lontan blanc embouteillé pour célébrer les 60 ans de LMDW. Produit à seulement 1000 exemplaires, ce rhum est vendu aux environs de 48€ ce qui est plutôt cher pour un rhum blanc. Au nez le truc est complètement dingue, on y trouve la fraîcheur de la canne mais  également un aspect très minéral et iodé, comme un rocher mouillé en bord de mer. On en salive d'avance d'autant que les fruits séchés débarquent ensuite, banane et figue séchées apportent un peu de douceur à ce nez très minéral. C'est magnifique, le gros taux d'esters n'est pas sans rappeler les clairins ou les jamaïcains mais le profil minéral rend l'ensemble inimitable. En bouche c'est une énorme claque, on attaque avec quelque chose de très métallique très vite enrobé par les fruits séchés qu'on décelait déjà au nez. On y trouve également beaucoup d'iode et c 'est là dessus que ce Lontan se démarque, ces vagues salines le rendent extraordinaire de richesse et de complexité. La finale est interminable est dure Lontaaaaaaaaaaan toujours sur des notes de figues séchées. Ce rhum blanc est incontestablement l'un des meilleurs du marché, il joue dans la cour des grands avec les Clairins haïtiens et le superbe Forsyth WP d'Habitation Velier dont on vous parlait ici. On relativise donc le prix plutôt élevé étant donné le caractère exceptionnel de ce rhum. On se demande d'ailleurs quel sens aura notre vie quand cette bouteille sera terminée....

Note: AAA (Jackson Richardson)

 

Savanna HERR 10 ans (50cl, 63,8%)

Avec le HERR on joue dans un autre registre, c'est également un rhum grand arôme de longue fermentation mais cette dernière a été poussé à l’extrême à la façon de certains jamaïcains, pour plus d'infos on vous renvoie vers l'excellent article de Cyril sur Durhum.com. Tiré à 686 exemplaires pour les 60 ans de LMDW, ce rhum a passé 10 ans en fûts de cognac ce qui est assez courant chez Savanna. Le prix est assez flippant, compter 115€ pour 50 cl, à plus de 2€ le cl on espère que ça envoie le pâté !

le nez annonce la couleur, c'est unique en son genre, on attaque avec un bonbon bien acidulé du genre Arlequin et des bananes Haribo à gogo. Étonnamment l'ensemble à l'air plutôt naturel et évolue sur les pruneaux bien gluants voire la prune ultra mûre limite pourrie, c'est certainement lié au vieillissement en fut de cognac qui apporte régulièrement ce genres de notes fruitées. Une légère touche de dissolvant est agréablement contrebalancée par le charbon humide. On est perdu face à un tel nez, c'est riche, ultra complexe et terriblement déroutant. En aveugle ce nez peut être trompeur et il n'est pas dit que tout le monde penche immédiatement pour un rhum, cela pourrait être un cognac hybride ou un whisky exotique méga fruité. Après plusieurs minutes dans le verre des notes minérales presque tourbées se pointent pour notre plus grand plaisir.  On sent que les levures expérimentales utilisées ont accouché d'un ovni. C'est ultra surprenant mais très engageant!

En bouche, c'est le grand délire, clairement le rhum le plus extrême qu'on ait goûté. C'est une expérience qui ne laisse pas indemne, on est vite emporté par la puissance alcoolique et par une vague acidulée inédite dans le rhum. On se demande ce qu'on boit, un distillat de bonbons Arlequin peut-être? L'acidité met nos glandes salivaires dans un état second et il est difficile de déceler d'autres saveurs. Après s'être habitué à sa puissance et à son acidité, on lui trouve quelques notes soufrées accompagnées de bâton de réglisse, une certaine âpreté qui colle au palais nous laisse alors le cul scotché sur le canap . Franchement on se sait pas quoi penser de cette sensation en bouche, on oscille entre l'atroce et le génial. Maintenant qu'on a goûté un tel ovni on peut sans peine s'envoyer des rasades de Caroni full proof au petit dèj sans sourciller. C'est un peu au rhum ce qu'est le death-metal à la musique, un truc d'esthètes qui poussent le délire à fond. Heureusement après quelques minutes de repos dans le verre on lui décèle des notes de prunes et de bananes presque pourries très agréables. La finale est plus abordable, elle est interminable et marquée par le bâton de réglisse et une âpreté très minérale, ça peut paraître hardcore mais c'est plutôt bien branlé. On est clairement face à un rhum à ne pas mettre entre toutes les mains, un truc d'une radicalité inouïe. A goûter avant d'acheter.

Note: AAA+ ou CCC selon les jours et l'humeur (Michel Houellebecq)

 

 

 

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