Le Sazerac est certainement le cocktail dont l'histoire véhicule le plus de mythes infondés. On a tout entendu à son propos, des anecdotes farfelues qui peuvent faire sourire mais aussi des aberrations historiques qui peuvent rendre agressif le plus doux des amateurs de tisane. On s'amuse aujourd'hui a déconstruire le mythe en s'appuyant sur les recherches de David Wondrich (Le spécialiste mondial de l'histoire du cocktail)
1- Le Sazerac est le plus vieux cocktail du monde.
Faux faux et archi-faux ! On ne vous a pas dit de faire gaffe à ce que vous lisiez sur internet? Wikipédia, ça a l'air cool vu comme ça mais n'oubliez pas que c'est écrit par le pékin moyen, pékin qui n'est pas toujours bien documenté... Alors quand on lit sur la page française de la fameuse encyclopédie en ligne que le sazerac est le plus vieux cocktail au monde, on a le poil qui se hérisse, on a envie de sortir dans la rue et de tuer des caniches juste pour faire passer la rage. Donc non le sazerac n'est évidemment pas le plus vieux cocktail au monde. L'histoire du cocktail débute au 17è siècle avec les punchs, le Mint Julep voit le jour en 1810, personne ne parle de Sazerac avant 1899....Affirmer l'antériorité du sazerac revient donc à piétiner le travail d'historiens sérieux. Alors certes, à 90 ans près, le sazerac est le plus vieux sauf que pendant ces longues années de nombreux classiques ont été créé.
2- Le Sazerac a été inventé par Antoine Amédée Peychaud.
Mais bien sur, et moi je suis le pape et j'attends ma sœur ? Non, j'ai raté ma destinée papale et l'inventeur de ce merveilleux cocktail est Billy Wilkinson. On évoque souvent Peychaud à tort car il est l'inventeur du fameux Peychaud's bitters dont il a vendu la formule à Thomas H. Handy & co. Ce même Thomas H. Handy possède la Old Absinthe House où officie Billy Wilkinson, il reprend donc la formule de Peychaud et commercialise un bitter connu sous le nom de Handy's bitter. Tout naturellement, ce bitter entrera dans la composition du cocktail maison. Cela dit, il serait faux d'attribuer la paternité de ce cocktail au seul Billy Wilkinson, il fut en effet bien aidé par un autre barmen de la Old absinthe House : Vincent Miret, barcelonais, qui était alors considéré comme le meilleur créateur de cocktail au whisky de la Nouvelle-Orléans.
3- A l'origine le Sazerac était fait à base de cognac.
Ce mythe a eu la peau dure. David Wondrich himself s'est fait avoir dans la première édition de Imbibe, on aime d'ailleurs à penser que s'il a publié une seconde édition c'était uniquement pour corriger cette erreur. Tout le monde vous dira que le Sazerac, à ses débuts, était préparé à base de cognac et que la formule a changé lorsque le redoutable Phylloxera ravagea le vignoble charentais. Le cognac n'arrivant plus aux États-unis, les barmen se seraient naturellement tournés vers le rye pour le remplacer. Croyez le ou non mais tout le monde se trompe. Le Sazerac a toujours été élaboré à base de rye whiskey. Il faut savoir que depuis le milieu des années 1880, le cognac était largement ringardisé aux USA, la mode était au whiskey (rye ou bourbon) et personne n'aurait eu l'idée de commander un cocktail au cognac à cette époque, à moins de vouloir passer pour un bouffon. Imaginez James Bond commander un lait fraise, absurde n'est ce pas ? Au delà de l'effet de mode, il existe une preuve irréfutable. Un certain Christopher O'reilly, qui travaillait pour Handy & co a en effet eu la bonne idée de noter la recette du Sazerac tel qu'il était servi à la Old Absinthe House. Ce bout de papier existe encore et David Wondrich (#jesuisunhistorienjevérifiemessources) l'a vu. En fait le sazerac n'est qu'une évolution du Improved Whisky Cocktail de Jerry Thomas. Oubliez donc les recettes au cognac, ou pire les recettes moitié rye, moitié cognac. Exigez du rye, exigez le meilleur et faites la leçon à votre barmen préféré.
La recette
- dans un verre à mélange, versez 1 cl de sirop de sucre et 4 dashs de Peychaud's bitter puis mélangez
- ajoutez beaucoup de glaçons
- versez 6 cl de rye whiskey (on a dit pas de cognac!)
- mélangez puis versez dans un verre rocks préalablement rincé à l'absinthe
- exprimez un zeste de citron sans le déposer dans le verre.
Welcome to NOLA !
45ml Rye
15ml Cognac
1 cuillère de sirop de sucre de canne
4 ds peychaud
1 ds DeGroff pimento
absinthe of course
Voilà comme je l’aime (recette Death&Co légèrement modifiée)
Un caniche va mourir
Ma voisine de palier ne te remercie pas, j ai égorgé son caniche en ton honneur !
L’effacement du cognac n’est pas une question de mode, c’est plutôt une question démographique, avec le remplacement, dans les grandes villes du sud, des créoles par une population de plus en plus anglo-saxonne.
Merci François pour la précision!
La recette, est-ce que c’est celle qui a été écrite par Christopher O’reilly?
S’il y a débat sur la paternité et l’alcool utilisé ce n’est pas vraiment le cas des proportions. C’est donc la recette de Wilkinson auquel O’Reilly succéda.