Caroni 12 ans (50%, OB 2012) : Le Rhum qui n’est pas venu pour beurrer les sandwichs !

Nous sommes face a une chose rare, un Rhum adoubé par les seigneurs du whisky-branlette. Caroni partait avec de sérieux arguments pour séduire les amateurs de single malt, car comme certains des plus grands noms du whisky écossais (Port Ellen, Brora) ou japonais (Karuizawa, Hanyu), la distillerie de Trinidad avait cessé de produire de l’alcool avant d’être détruite au début des années 2000. Il ne manquait plus qu’un importateur italien ne passe dans les parages et rachète le stock de spiritueux restant à un gouvernement Trinidéen trop content de s’en séparer pour que naisse la légende de Caroni (on peut d’ailleurs lire l’excellent article que lui a récemment consacré le blog Les Fleurs du Malt).

Caroni_12yo

Pour ceux qui ont vu le film de Ken Loach La Part des Anges, l’évaporation naturelle lors du vieillissement en fut n’aura sans doute aucun secret, mais il convient d’ajouter que le climat et la température ambiante  y jouent un rôle considérable. Cela signifie que les spiritueux vieillis sous un climat tropical ont tendance à s’évaporer beaucoup plus rapidement que ceux qui le sont dans l’hémisphère nord. Les producteurs de Rhum ont trouvé la parade et nombre d’entre eux font désormais vieillir leurs futs en Angleterre et en Ecosse de façon à limiter l’évaporation de leur précieux liquide. Le Rhum vieilli en Europe c’est un peu de l’entube, mais on ne peut pas y faire grand chose, a moins de choisir des nectars vieillis sur leur lieu de production. On pense notamment aux excellents Rhums Appelton de Jamaique et Demerara (qui produit El Dorado) de Guyane Britannique. Caroni fait bien évidemment partie de ce club select et Vélier, l’importateur Italien, a bien fait les choses en nous proposant, chose rare dans un monde du Rhum qui a tendance a survendre l’âge de ses produits, des versions millésimées et embouteillées au degré naturel !

On a envie de dire « yay !!! » mais il convient de ne pas se rouler par terre en criant « oh my god ! » avant d’avoir gouté. J’ai laissé au placard les 20 ans (1992 – 60,2%) et 18 ans (1994 – 62.6%) en attendant le retour de pèlerinage en terre Khmer de l'ami David et vous propose de tester la version « démocratique », un 12 ans d’âge un peu dilué certes (50%) mais qui n’a quand même pas l’air d’être venu pour beurrer les sandwichs.

Couleur : Ambré tendant vers le cuivre.

Nez : Aromatique et fruité (pruneaux), notes médicinales (herbes), fumée légère, phénols, cigares, goudron frais, cuir et toffees. Par rapport aux Rhums ambrés auxquels on est habitué on peut dire que les tannins dominent par rapport aux notes sucrées et aux caramels.

Bouche : Odeur d’essence très présente au premier abord (ce n’est pourtant pas un Rhum vénézuélien…) puis goudrons, réglisse a la violette. On perçoit ensuite des cerises griottes et un gout acidulé, pamplemousses et citrons qui prédominent. L’évolution du goût est surprenante, au premier abord elle rappelle les whiskies d’Islay (surtout Bowmore avec de la fumée mais surtout beaucoup de phénols) avant d’évoluer vers un registre plus fruité.

Finale : Elle est longue et nous rappelle l’importance de la maturation en climat tropical. Le bois aux senteurs de réglisse apparaît nettement en toute fin en même temps que cette odeur de papier glacé qui rappellera aux enfants des années 80 les joies des bandes dessinées et des vignettes panini…

Le gouvernement de Trinidad qui a choisi de fermer Caroni afin de mieux promouvoir la distillerie voisine d’Angostura a sans doute manqué de discernement. Contrairement aux Rhums ambrés produits aujourd’hui, qui ont tendance a pêcher par excès de sucre et de caramel (c'est particulièrement le cas de l'affreux Angostura 1919) , ce Caroni nous offre une palette de gouts complexe et subtile faite de fumée, de tannins et d’agrumes. C’est une certaine idée du Rhum qui disparaît avec cette distillerie, ou les méthodes de production artisanales et le caractère particulier des lieux de production jouaient un rôle considérable. On ne saurait trop vous conseiller de ne pas faire l’impasse sur ce merveilleux morceau d’histoire. Jack Sparrow et Bernard Genghini approuvent !

Note : (A : Alain Giresse - 88)

Prix : 45 euros (Petite Bourgeoisie de Province)

B.M

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