Le groupe de la mort. Chacun des quatre représentants est candidat à la victoire finale. Il va y avoir de la casse. Et encore, le groupe aurait pu être élargi. Cela dit, comme pour la Zone AMSUD en football, il a fallu faire un choix. Tout le monde ne peut pas participer à la Coupe du Monde. RIP Bowmore. Pour les trois autres, Bruichladdich, Kilchoman et Bunnahabhain, c’est une exposition jugée plus confidentielle qui a sonné le glas de leur participation. Rendez-vous l’année prochaine.
Présentation des candidats
Chez les parieurs, c’est Lagavulin (OB 16 ans, 46%) qui a la cote. Whisky hors catégorie, aîné de la Coupe, muse des écrivains, whisky madeleine de nombreux connaisseurs, les raisons ne manquent pas de croire en lui. Avec ses seize ans, qui à l’heure des NAS sont d’un anachronisme rassurant, c’est un whisky immuable au goût reconnaissable entre tous. Mais attention, il va falloir gérer la pression et ne pas en prendre sept en demi-finale. Heureusement le whisky n’est pas un sport qui se joue à onze et à la fin c’est rarement l’Allemagne qui gagne.
Face à lui se dresse un autre chouchou des bookmakers, Ardbeg (OB 10 ans, 46%). Whisky totem des amateurs de grosse tourbe et de marketing gaëlique, c’est un des Islay les plus bankable. L’expression de base est un dix ans, vieillie en fûts de bourbon et largement visible grâce au savoir-faire de son propriétaire LVMH. Pour certains justement, le marketing est allé trop loin depuis le rachat de la distillerie et les fans ne se reconnaissent plus dans ce qu’elle est devenue. On peut certes condamner une certaine dérive commerciale mais l’identité n’a pas été oubliée pour autant et c’est un concentré de l’île en bouteille.
Chez les challengers, Coal Ila (OB 12 ans, 43 %) peut créer la surprise. C’est avec Lagavulin l’autre représentant des Classic Malts de Diageo. Caol Ila n’est pas la plus connue du groupe mais c’est une des distilleries les plus actives de l’île. Son distillat particulier a les faveurs des assembleurs. C’est un whisky plus léger, en partie à cause de la forme de ses alambics, qui depuis leurs longs cous, regardent la mer derrière les murs vitrés de la distillerie. La tourbe est huileuse et l’ambiance de garage qui se dégage du verre est caractéristique de son identité. Attention donc à son jeu fin et léché.
Enfin, last but not least – comme disent les Anglais – Laphroaig (OB 10 ans, 40%). Le slogan de la marque est sans ambages : Love it or hate it. Un jeu direct et sans concession donc et un profil très marin – la distillerie a les pieds dans l’eau. Il peut en secouer plus d’un. Là encore, il a ses aficionados incorruptibles. Une horde de fans qui vont tenter de faire pencher la balance.
Quatre whiskies donc, aux profils très variés. Il ne faut pas, en effet, limiter l’identité de l’île d’Islay à la seule tourbe. Nous le verrons, ces quatre expressions révèlent des qualités qui vont au-delà de l'image d'Épinal associée à leur génome tourbé. Enfin, il faut noter que ces distilleries continuent de faire le choix du vieillissement pour leurs expressions de base. On ne leur jettera pas la pierre.
Laphroaig 10
Le nez nous projette direct dans un autre monde. Grosse tourbe d’entrée, gras, bien enrobé et un peu confit. C’est vraiment un autre délire. Médicament, herbe, foin, chocolat et agrumes. Noix de coco, un petit coté tropiques. D’une richesse incroyable. La différence par rapport aux autres est ahurissante. Ils nous paraissent bien faibles. On vibre. Plus goudronné en bouche qu’au nez. Mélange de bitume et de pneu, bien enrobé et adouci par les fruits. Plein d’agrumes, zestes de citron et orange, notes mentholées et iodées. La pharmacie. Chocolat noir en finale. Thé Lapsang Souchong. Wahou !
Ardbeg 10
Un nez beaucoup plus sec. La tourbe. Fumée, cheminé et pneu. Ushuaia. – on a retrouvé ce mot dans nos notes. Moins riche et plus alcooleux. Un poil plus marin. Prend cher par rapport au premier. Plus minéral aussi, avec un coté vif et sucré. Radical. En bouche c’est beaucoup plus droit, moins riche et plus fumé. Chocolat surpuissant. Encore plus long. Moins intéressant au début mais la finale s’avère longue et savoureuse. A la fois léger et puissant. Un peu monolithique tout de même.
Lagavulin 16
Le nez est très fruité. Commence sur des agrumes, zestes d’oranges et fruits tropicaux acidulés. Noix de coco et une petite influence de sherry. Bien fait. Beaucoup de rondeurs. En bouche, grosse richesse. Grosse attaque d’entrée et bonne occupation du terrain. Devient ensuite sucré et aromatique avec de la réglisse noire (Zan) et des herbes, un peu de violettes. Saturé d’odeurs de fleurs. Enivrant.
Caol Ila 12
Le nez est vraiment en retrait – et en dessous – par rapport aux autres. Plus délicat et moins expressif. Saute un peu à la narine. La tourbe est assez puissante, c’est plus marin avec l’iode et la tourbe en avant. En bouche c’est autre chose. Grosse tourbe mais aussi une certaine douceur. Miel et beaucoup de réglisse. Super homogène. Plantes aromatiques, sel et iode. On sent un peu moins la tourbe qui est bien intégrée.
Les résultats
Grosse surprise. La victoire se joue vraiment à rien. Un problème de dérailleur au pied de l’Alpe d’Huez et Laphroaig s’échappe. Avec 29 points c’est le grand vainqueur du groupe de la mort. Félicitations ! A la photo finish, Ardbeg (16 points ) dépasse d’une courte tête Lagavulin ( 15 points). Caol Ila termine dernier mais avec les honneurs (12 points).
Au final, cette poule était bien la plus relevée de ce premier tour de la Coupe du Monde. Tous les whiskies étaient bons et la dégustation un réel plaisir. Tous les verres ont terminé vides et les juges heureux. Une larme a quand même été versée pour l’élimination précoce de Lagavulin.
Revivez ici la cérémonie d'ouverture, là le match des Highlands, ici la poule du Speyside et là le groupe des Islands.
Rendez-vous pour la finale !
Moi qui ne touche d’habitude qu’aux vins, je crois que vous venez de me convertir au whisky. Excellent style d’écriture et ton de voix, je m’abonne direct au site.
Merci! On n à pas pour habitude de faire dans le prosélytisme mais si on peut convertir les amateurs de vin on est content. Cela dit on aime aussi le vin mais on est incompétent en la matière.