En découvrant ce whisky j'ai pensé à Marcel Proust.
Certes, c'est un peu snob d'y aller comme ça mais c'est vrai, je venais de lire un passage de La prisonnière et la mise en garde du Narrateur m'est apparue exactement propice à l'ornementation de cet article. Je vous laisse juges : "Le témoignage des sens est une opération de l'esprit où la conviction créée l'évidence".
C'est magnifique. Et quand on s'apprête à goûter un bourbon connu pour être un des plus virils de tout le Kentucky, c'est salvateur. Un dicton populaire dit aussi "il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs", c'est moins chic mais la prévention vaut encore. Avant d'ouvrir une bouteille où le chiffre de 64,5 est affiché – comme un avertissement – il faut tenter d'oublier que ce fameux bourbon de la collection Small Batch de chez Jim Beam est le plus corsé de tous ceux qui sortent de l'auguste distillerie de Clermont et qu'il aurait aisément pu servir à cautériser les moignons des soldats confédérés pendant la Guerre de Sécession. Bref...
Mais d'abord un peu d'histoire et de pédagogie. Le small batch est une technique qui consiste à n'utiliser pour la conception d'un whisky qu'un nombre restreint de barils dont l'enfûtage a été pensé dans ce but. Chez Jim Beam, un des plus gros producteurs de "bourbon de masse", on a élaboré une série un peu plus bling que la gnôle standard dont les racines plongent dans l'histoire et dont la maturation fait l'objet d'une attention particulière. On raconte ainsi que Booker Noe, petit fils du fondateur James Beauregard Beam, passait ses journées dans les warehouse à écouter vieillir le whisky et à palper le bois des fûts. Il les déplaçait plusieurs fois pendant les années de maturation afin de gérer au mieux le vieillissement. C'est ainsi, avec cette "touche d'humanité" qu'il concut et lança en 1988 la première version de l'éponyme bourbon que nous allons goûter. Quatre ans plus tard, c'est le début de l'aventure des small batches de chez Beam – Knob Creek, Basil Hayden, Baker's et donc Booker's. Tous les produits de cette collection sont embouteillés à la force de fût.
Couleur : Ambre sombre, fin d'après-midi à Clermont.
Nez : Ample mais doux. On sent bien que quelque chose se trame mais on ne se brûle pas les poils. Sucre. Fruits très murs. Puissant et enrobant.
Bouche : Un coup de winchester ! Les arômes éclatent et emplissent tout l'espace. On a du mal à parler. Ma vue se trouble. Suave et complexe. Un peu liquoreux mais droit – le chêne –, des fleurs. Le temps passe, de l'orange, un peu de tabac – gitane maïs ? – et cornbread chaud. On a envie de devenir fermier dans le Kentucky.
Finale : Coup de chaud. C'est bon, c'est long. On ne peut s'empêcher de penser à ce commentaire de Dave Broom : "Une expérience considérable, où tous les coups sont permis." Il a raison. C'est à vivre.
Note : A+ (Rotschild)
Prix : Bourgeoisie de province
D.N.
Mais que buvait -vraiment - Ernest Hemingway ?
Glenmorangie Allta, la levure avant les fûts
Habitation Velier : le prix de la transparence.
Avec D.U.C. Booba invente le LOL whisky
Avec D.U.C. Booba invente le LOL whisky