En 1983 c'est la crise dans l'industrie du whisky, le marché Anglais est atone, les distilleries ne savent plus quoi faire de leurs stocks et nombre d'entre elles vont fermer en l'espace de quelques mois. Du côté des victimes on dénombre entre autres Brora, Port-Ellen, Dallas Dhu, Banff, Glen Albyn,St Magdalene...etc. Les dégâts sont colossaux et Benromach n'échappe pas au marasme, la distillerie est mise en sommeil après que le dernier fut ait été rempli le 24 mars 1983. Après une nouvelle vague de fermetures au début des années 1990 l'industrie se stabilise et repart à la hausse dans la deuxième moitié de la décennie. Pendant ces 10 longues années l'histoire de Benromach s'écrit en pointillés, les alambics et les futs sommeillent paisiblement; le futur est incertain...Pourtant, en 1993, la maison de négoce Gordon & MacPhail achète la distillerie et tout son stock afin de relancer la production. La remise en activité est interminable, 5 ans de réflexion avant que le style du whisky soit défini et que le matériel soit acheté. On ne plaisante d'ailleurs pas avec le style chez Benromach, et c'est lors de la dégustation d'un fût vieux d'un demi siècle que la décision est prise de revenir au style classique du Speyside.
C'est quoi un classique du Speyside?
Dès lors qu'on parle de cocktail classique, on fait référence à une boisson dont les qualités gustatives sont unanimement approuvées, qui a traversé le temps et qui est équilibrée sans être extravagante. Dans l'imaginaire collectif, le whisky classique du Speyside est rond, fruité et gourmand, sobre et élégant; le whisky de papa en somme....Pourtant on oublie trop souvent que de nombreuses distilleries produisaient jusque dans les années 60 un malt légèrement tourbé un peu plus caractériel que le Macallan sans mention d'age de tonton Francis. A sa réouverture, Benromach décide de produire un whisky semblable à ce que l'on faisait avant les années 60 et intègre une part de malt tourbé pour obtenir un jus affichant 12 ppm. C'est la renaissance du classicisme, un whisky élégant tel qu'on en faisait il y a 50 ans dans des distilleries qui n'avaient pas encore opté pour l'industrialisation de leur produit.
Aujourd'hui Benromach produit environ 250 000 litres d'alcool par an, cela en fait l'une des plus petites distilleries du Speyside. Ici tout est très simple, le mash tun, les 4 wash backs en mélèze et les 2 alambics sont dans la même pièce. En un seul coup d’œil on voit toute la chaine de production. Les chais sont situés à une dizaine de mètres des alambics, la mise en fut est faite sur place et le décompte se fait à l'aide d'une machine infaillible: une ardoise et une craie. On est loin des usines à gaz qui prétendent produire de manière artisanale, pas d'ordinateurs perfectionnés juste l'immense expérience de Keith Cruickshank le maître distillateur qui joue des manettes sur son spirit safe avec une facilité déconcertante.
Benromach réussit le pari de réinventer le classicisme. A l'heure où les distilleries abandonnent les mentions d'âge et expérimentent des finishs en fûts de tout et n'importe quoi, Benromach fait le choix de la tradition. Une entrée de gamme qui affiche 10 ans résultant de l'assemblage de futs de bourbon et de sherry, un design sobre et novateur à la fois où figure la mention manuscrite "the classic single malt scotch whisky" et une pointe de tourbe qui sonne comme un rappel aux grands classiques du speyside pré industriel. A moins de 50 €, la version 10 ans est une réussite, un excellent whisky du quotidien qui offre à la fois rondeur du fruit mûr ainsi qu'une légère fumée. Benromach a su créer un classique, un whisky élégant, accessible tant en terme de goût que de tarif et qui s'inscrit dans la tradition en revenant à l'utilisation du malt tourbé dans le Speyside.
Voici un article superbement écrit..et une distillerie a decouvrir absolument!